Les stéréotypes de genre, une notion ignorée par les fabricants de jouets.

Une bande de lycéens dans les rayons de magasin de jouets en train de regarder aspirateurs roses et Meccanos. Au magasin Toys R’ US de Los Angeles, une grande chaîne américaine de jouets, les clients ont vu ce matin  débarquer la classe de première du Lycée International de Los Angeles.

Toysrus enfield disneyprinc

 

Les étudiants du Lycée International de Los Angeles ne s’étaient pas rendus au magasin de jouets Toy R Us pour faire leur shopping personnel. Encadrés par l'enseignant de SVT et de sciences économiques, les étudiants  sont en mode investigation. Leur but : analyser les stéréotypes autour du sexe et du genre dans le magasin. Les étudiants de la filière  scientifique (1ere S) réfléchissent en termes de biologie, les étudiants de sciences économiques et sociales abordent la question du point de vue de la socialisation. Ils se promènent dans les rayons, pointent du doigt certains jouets, s’esclaffent ou s’indignent.

« Moi quand j'étais petit, j'adorais venir ici, explique Tony, mais il me semble que ça a changé. Il n'y avait pas de maquillage pour les filles par exemple ou des bonbons… Je venais regarder les Lego » Son discours nostalgique ne nous ramène pourtant que 10 ans en arrière. « C'était y'a pas si longtemps »

Les commentaires sur les jouets fusent « c'est quand même un peu rétro » « Bon il me semble qu’il y a du mieux » dit Blanche en brandissant un mini aspirateur bleu affichant un petit garçon sur la boîte.

« Non, ajoute Pierre, les jouets unisexe pour moi, c'est les jeux vidéo », en se dirigeant vers le rayon pour étudier le marketing « Il y a moins de couleur rose ou bleue sur les emballages, et puis c’est vraiment quelque chose qui ne pose pas de problème. Les filles peuvent jouer au jeux de stratégies comme les garçons. »

En cette matinée, le magasin est presque vide. Une cliente accompagnée de sa petite fille qui court vers le rayon des poupées Barbie. Interrogée sur la situation où sa petite fille souhaiterait un jouet de garçons, cette maman typiquement californienne répond :« Oh, cela ne  dérangerait pas elle choisit ce qu'elle veut d'ailleurs ce serait bien parce que moi-même je ne suis pas du tout manuelle. Mais je pense qu’on nous vend de la princesse ©Disney, et les autres petites filles de sa classe ne jurent que par cela. »

Société de consommation et pression des pairs

Si on s'arrête cinq minutes, on est happé par l'éclairage néon, la tristesse des murs et des plafonds de hangar, qui contrastent totalement avec les énormes tableaux publicitaires, les paillettes et les couleurs claquantes des affichages. C’est un monde fabriqué, organisé qui nous pousse à une consommation subtilement orientée. Interrogé sur l’organisation spatiale du magasin, le manager, tout en sourire et en séduction marketing nous explique que c’est « la maison mère qui réalise le plan, Il s’agit surtout d’efficacité, que les gens trouvent rapidement ce qu’ils sont venus chercher pour l’avoir vu à la télé par exemple » Le magasin est pourtant outrageusement divisé en deux blocs rose et bleu. Les étudiants nous font cependant remarquer l’importance du secteur des produits dérivés, des marques de franchise des films hollywoodiens de super-héros. Interrogés sur ce qu’ils pensent de cette nouvelle tendance de la marque, qui représente environ 30% de la surface d’exposition, ils réagissent plutôt positivement. « Dans le cas des jouets des films, c’est plutôt l’âge, qui influe plutôt que le genre. La peluche de Yoda  peut intéresser les garçons comme les filles. » Et les super héros alors… ? « C’est vrai qu’il n’y a pas d’égalité entre les super héros et les super héroïnes, elles sont quand même moins présentes. » réfléchit Clara à voix haute.

Fabrique des inégalités

« En fait c'est presque joué d'avance, ajoute Marie. Les jeux et les jouets sont faits pour nous conditionner. Mais si j'ai envie de devenir une femme ingénieur ou astronaute ? ». « J'ai vu qu'ils allaient sortir des Lego sur les femmes de la NASA après le film “Hidden figures” » renchérit Chloé. Les filles sont plutôt dépitées en ressortant de leurs explorations, un peu interloquées, Les garçons sont plus à l’aise, ce qui leur vaut des petits piques féministes. 

A la question de savoir si les stéréotypes étaient toujours présents dans les jouets, on ne reçoit qu’un drôle de silence. « On parle de lutte, d’égalité, de parité. Mais c’est vrai qu’il faudrait d’abord commencer par regarder notre propre point de vue par rapport à la question du genre et les préjugés qu’on véhicule, par rapport par exemple aux enfants de notre famille.» réfléchit Blanche. Cette sortie est le point de départ d’un projet consacré aux stéréotypes de sexe et de genres. Etayé par des cours en biologie et en sociologie, les étudiants devront endosser les rôles de différents acteurs comme les parents, les vendeurs, ou les consommateurs afin de réaliser un débat autour de ce sujet controversé.

A Los Angeles, ville pourtant ouvertement libérale, la conquête de l’égalité des sexes ne commencent pas par les magasins de jouets. Peut-être que les choses ont une chance d’avancer par la prise de conscience et l’engagement de quelques adolescents, qui un jour, se sont posés les bonnes questions sur le parking d’un de ces magasins.

Marjorie Decriem. Los Angeles, 13/03/2017

contributions

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire